vendredi 13 février 2015

J’ai lu la Servante Ecarlate, de Margaret Atwood

Il y avait longtemps qu’un livre de science-fiction n’avait pas autant eu d’effet sur moi. J’avais entendu parler de la Servante Ecarlate (The Handmaid's Tale en anglais, paru en 1985) comme une espère de « second 1984 » en référence à l’œuvre de George Orwell. Je trouve maintenant que la comparaison est justifiée, mais Margaret Atwood a créé un univers bien différent… Et beaucoup plus proche de notre société. Le résultat est un totalitarisme réaliste, dont les femmes sont les premières victimes en raison de l’appauvrissement de la fertilité humaine…

Mais n’allons pas trop vite. Qui est Margaret Atwood, déjà, et pourquoi est-ce que je lis ça ?


Margaret Atwood est une romancière et poète canadienne, et a à ce jour 75 ans. Elle a reçu plusieurs prix de littérature prestigieux, autant pour la poésie que pour ses romans, notamment le prix Arthur C. Clarke pour la Servante Ecarlate. Elle est d’ailleurs toujours active puisqu’elle a encore publié un recueil de poèmes en 2014 !

Je me suis intéressée à elle dans le cadre de mes recherches sur la science-fiction féministe, dont j’ai parlé dans un précédent article. Ce roman vient en première position si l’on cherche à lire de la science-fiction féministe. Etant donné que j’avais pris quelques vacances dans un pays scandinave en Janvier, je me suis arrêtée dans une librairie pour acheter cette œuvre, dans sa langue originale, donc en anglais.


L’histoire est racontée par une femme dont le « métier » est d’être au service d’une famille afin d’enfanter. Le taux de fécondité ayant drastiquement baissé, et la religion ayant pris une importance primordiale dans cette société américaine du futur, les femmes se sont vus réduites à des fonctions domestiques et n’ont plus droit de posséder de comptes bancaires, de travailler et peu à peu, elles se voient même retirer le droit de sortir où elles le souhaitent. Elles obéissent à des règles édictées par la Loi, au service de l’homme…  Tout au long de l’histoire, on ne connaîtra d’ailleurs jamais le nom d’Offred. Les femmes n’ont plus d’identité, sinon en utilisant le patronyme de l’homme de la famille qu’elles servent.


Vêtue de rouge, comme toutes les jeunes femmes qui ont la fonction d’enfanter, Offred évolue dans un monde d’horreur mais qu’elle raconte avec une naïveté qui rappelle combien le totalitarisme peut s’insinuer dans une société sans même que ses membres se rendent comptent des libertés dont ils se privent peu à peu. En tant que femme, j’avoue qu’il était très facile de s’identifier à ce personnage qui n’ose pas se rebeller, parce qu’elle tient à sa vie. Qui n’ose s’enfuir parce qu’elle considère que son sort pourrait être pire, même si elle n’a plus aucun droit, aucune possession, aucune vie privée. Elle vole une allumette, la dissimule pour plus tard, pour le jour où elle aura fait une erreur et que le gouvernement viendra la chercher pour se débarrasser d’elle. Alors, elle mettra le feu à sa chambre et périra avant de connaître plus d’horreur qu’elle doit déjà en supporter.

Et nous, dans cette histoire ? Margaret Atwood, très cultivée, introduit des éléments de l’histoire de l’URSS et de celle de l’Allemagne nazie, ce qui fait prendre conscience de la possibilité qu’une telle société se développe un jour, pour de vrai. Et que, probablement, les femmes en seraient les premières victimes en raison de leur réduction à leur possibilité de donner la vie. Il est rare qu’un livre me fasse réfléchir à ce point. Me fasse comprendre combien nos libertés sont fragiles, et comment les femmes doivent se battre tout autant qu’avant pour défendre les leurs.

A la place d’Offred, aurions-nous tenté de nous enfuir ? Aurions-nous réagi avant que la situation se soit trop dégradée ? Quand les homosexuels avaient commencé à être pourchassés et que la religion s’était mise à dicter tous nos comportements, même les plus intimes ?

Je l’espère. Mais à l’image d’Offred, nous pourrions tout aussi bien abandonner pour protéger notre vie, se faire toute petite en se disant que ça finirait bien par passer… Sauf si, bien sûr, la culture nous aura fait réfléchir avant, non ?

Merci Madame Atwood !

vendredi 5 septembre 2014

L'occasion de découvrir R. C. Wilson grâce aux éditions du Bélial' !

Les éditions du Bélial proposent en téléchargement gratuit l'une des nouvelles de Robert Charles Wilson, écrivain de SF canadien qui commence à faire parler de lui depuis quelques années. C'était donc l'occasion pour moi de découvrir l'auteur, dont le roman Spin, sorti en 2006, a remporté quelques très bons grand prix comme le Prix Hugo aux USA et le Grand Prix de l'Imaginaire en France ! (D'ailleurs c'est décidé, celui-là, il est sur ma liste à lire !)

Les Perséides est donc une nouvelle (je l'ai lue en un seul soir, c'était difficile de décrocher !) dont l'intrigue se déroule à Toronto, au Canada. Le récit est celui d'un homme, divorcé et passionné par les étoiles, qui rencontre une jeune femme vendeuse de télescopes. Mais elle a un étrange rapport à l'astronomie, et certains de ses amis également... 

En plus, la couverture est super classe.
Pour le coup, il m'est difficile de vous en dire plus sans divulguer des éléments importants de l'histoire, que je vous laisse le soin de découvrir vous-mêmes ! Intéressons-nous donc plutôt au style de l'auteur... 

D'abord, aucune difficulté à lire. L'écriture est fluide, les mots simples. Si j'ai parfois du mal à me mettre dans la peau du narrateur lorsque un récit est raconté à la première personne, cela n'a pas été un problème pour les Perséides... Car en fait, on ne s'identifie pas spécialement aux personnages de la nouvelle. Distance géographique, culturelle ou tout simplement positionnement agile de l'écrivain, on écoute le narrateur, Michael, comme s'il était un vieil ami qui nous racontait ses dernières nouvelles autour d'un verre. L'écriture est en effet pudique, sérieuse, tout en attisant la curiosité. J'ai vraiment eu l'impression, jusqu'à la fin du récit, d'être mise dans la confidence d'une histoire peu ordinaire, mais qui aurait pu arriver à n'importe qui... 

Deux petits doutes que j'ai eu néanmoins, mais qui ont été levés lorsque j'ai terminé la nouvelle : 
- L'écriture sobre, me disais-je, risque de vite me lasser. Mais les scènes, finalement, sont très courtes, ce qui permet de ne pas s'ennuyer. Le format de la nouvelle, évidemment, permet aussi d'éviter les longueurs : A peine est-on bien installé dans l'histoire... que hop ! C'est fini !
- Je me suis demandée, un court instant, si j'avais bien choisi une nouvelle de science-fiction. Tout se déroule, pendant un long moment, dans un récit qui pourrait être n'importe quelle histoire de fiction "tout court". Mais non, il s'agit bien de science-fiction... Simplement, Robert Charles Wilson prend son temps pour nous amener doucement vers des possibilités inexplorées. 


En conclusion, j'ai donc beaucoup apprécié cette nouvelle. Au sujet de l'auteur, il me semble qu'il y a peu à dire sur lui : un homme d'une soixantaine d'années résidant à Toronto (tiens donc !), si ce n'est qu'il s'est fait remarqué par le New York Times il y a quelques années, et que nombre de ses travaux ont remporté des prix variés. 

Voilà le monsieur !
Autrement dit, un nom pas très connu mais pourtant une source sûre. Pour en avoir le cœur net, je vous invite à télécharger et lire, comme moi, Les Perséides grâce aux éditions du Bélial' (>cliquez ici !<). Les Perséides fait d'ailleurs parti d'un groupe de nouvelles qui seront publiés dans les mêmes éditions le 11 septembre 2014. Le livre en numérique sort d'ailleurs à un prix très correct (11,99€). De manière générale, j'apprécie et salue la démarche du Bélial' pour ce don de la nouvelle vers ses lecteurs, qui permet vraiment de savoir si on aime un auteur avant d'acheter le livre !

mardi 8 avril 2014

Les Robots, Isaac Asimov et les femmes

Ce week end, j’ai lu un vieux classique de la SF : du Isaac Asimov. Rares sont ceux qui ignorent encore les trois lois auxquelles obéissent les robots :
- Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.
- Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la Première loi.
- Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la Première ou la Deuxième loi.

Mais peut-être que comme moi, vous les connaissiez sans en avoir lu la source, ou autrement dit Les Robots, de Isaac Asimov.



Un petit régal de quelques heures

D’un point de vue purement littéraire, d’abord, je dois avouer que j’ai dévoré Les Robots : le style est facile, compréhensible, l’on ne se doute pas une seconde qu’il a été écrit dans les années 1950. Il met en scène des personnages en apparence peu approfondis mais en réalité bien pensés et bien sûr imparfaits, au contraire des robots. Il n’y a pas véritablement de personnage prédominant, et cette absence de héros traditionnel nous permet d’imaginer un futur réaliste, avec des gens comme vous et moi au milieu de ces robots incongrus mais forts utiles. Asimov a également le souci de ne pas tomber dans le cliché de la machine qui « devient méchante » et veut prendre le contrôle de l’humanité… Un modernisme étonnant au regard de la date de publication de cet ouvrage. 
Plutôt qu’une longue intrigue, enfin, l’auteur propose plutôt une série de petites histoires à l’intérieur de la vie de l’un des personnages. Le rythme est ainsi soutenu, le livre ne souffre d’absolument aucune longueur. Finalement, mon seul regret lors de cette lecture fut que j’ai trouvé le livre bien trop court, je suis restée sur ma faim. Qu’à cela ne tienne, j’irai dévorer la suite du Cycle des Robots dès que possible !


Petit regard sur un personnage féminin

Vous l’aurez peut-être déjà remarqué, je m’intéresse assez souvent à la place des femmes dans les œuvres de science-fiction (il existe même de la science-fiction féministe !), et il m’était impossible de ne pas revenir sur ce sujet après avoir lu Les Robots. Pourtant, soyons honnête, je ne pensais pas du tout avoir à en parler… Honte à mes préjugés, Isaac Asimov m'a étonnée !
D’abord, si l’on devait désigner un personnage principal important, dans cette œuvre, il s’agirait sans nul doute du docteur Susan Calvin, robopsychologue. Et devinez quoi ? Ce personnage ne se distingue ni par un physique attrayant, ni par ses aventures sexuelles, mais uniquement par… Ses compétences et son expérience en matière de robotique. Le Dr Calvin est en fait tantôt la narratrice, tantôt le personnage principal de petites histoires dans le livre. Elle résout d’épineux problèmes relatifs aux robots et à la façon dont ils doivent répondre aux trois lois de la robotique. D’une intelligence rare, elle connaît mieux que quiconque les cerveaux positroniques de ces créatures mécaniques et est reconnue comme la spécialiste incontournable dans le système solaire. Le fait que le livre soit des années 50, par ailleurs, rend à mes yeux cet effort particulièrement admirable.


Asimov, un féministe ?

L’on comprend la place du Dr Calvin lorsque l’on prend le temps de lire la préface des Robots. Isaac Asimov revient sur la naissance de ses rêves sur les robots et sur ce qu’il souhaitait précisément écrire à leur sujet. Et il n’en parlera pas de manière tout à fait neutre, puisqu’il évoquera d’emblée l’histoire de Mary Shelley au XIXème siècle : fille de la philosophe féministe Mary Wollstonecraft, elle épousa Percy Bysshe Shelley en 1816. Ce dernier est écrivain et poète à succès. De son temps, il était reconnu… Isaac Asimov évoquera avec malice qu’il laissa avec une bienveillance hautaine sa femme se mettre à écrire à son tour. Cela ne ferait pas de mal, bien sûr. Ce qui était imprévu, c’était que Mary Shelley allait produire un livre au succès retentissant : Frankenstein !

C’est sur l’évocation de cette œuvre et des circonstances de sa création qu’Asimov explique son inspiration vis-à-vis de la création des hommes, bien qu’il ne souhaitât guère tomber dans le complexe de Faust qui prédisait la rébellion de la créature envers l’homme. Cet état d’esprit, il me semble, nourrit d’une part mes réflexions sur une science-fiction féministe (Asimov insiste sur le fait qu’il s’agissait d’une femme outrepassant son époux alors que tout le monde, à l’époque, ne s’attendait guère qu’à la voir produire une œuvre médiocre, et il est impossible de ne pas faire le lien entre ces confidences de la préface et le rôle prédominant d’une femme qui surpasse les hommes dans la science de la robopsychologie dans son œuvre) mais me fait également m’interroger : au regard de la place de la femme dans la littérature SF aujourd’hui, et si la position d’Isaac Asimov a semblé naturelle dans les années 1950… Est-ce que nous avons fait beaucoup de chemin sur ce thème depuis ? 

jeudi 6 février 2014

La SF Féministe, ça existe !

Science-fiction et féministe, voilà bien une association de mots surprenante. Il faut dire que le public de la SF est quand même très majoritairement masculin, surtout si l’on creuse un peu côté littérature SF ou des premiers longs-métrages du genre. Pourtant, j’aime à croire que de plus en plus de femmes lisent, regardent, jouent avec la SF. Le premier soupçon m’en a été donné par l’excellent site > Goodreads < (un site communautaire de lecteurs qui vous permet de partager vos envies de lectures, vos critiques, découvrir les derniers ouvrages parus, etc.). Parmi les lecteurs de SF, donc, une sacrée masse de femmes et de bien des pays !
Une illustration de Chris Moore.

Et puis un jour, je suis tombée sur ce groupe appelé « feminist science-fiction ». J’ai tout de suite compris de quoi il s’agissait, et je suis sûre que vous aussi : les héros de SF sont toujours des hommes mais cette fois… Les femmes ne seraient pas en reste ! C’est une bien bonne nouvelle, car vraiment, les personnages féminins dans la SF sont trop souvent (surtout dans les jeux vidéos !) cantonnées à être : [choisir la mention appropriée]
- La femme-trophée : la femme (à forte poitrine) en détresse dépourvue de toute ressource et qu’il convient de sauver (pour pouvoir la mettre dans son lit, bien sûr).
- La femme-potiche : la femme (à forte poitrine) qui habille un décor de luxe ou de débauche, l’accessoire parfait pour mettre en valeur un personnage masculin important.
- La femme-hacker : la femme (à forte poitrine) qui montre des compétences inédites pour des domaines typiquement masculins. Audacieuse, je l’aime quand même bien celle-ci !
Mais allons, inutile de nous lamenter plus longuement puisqu’un nouveau genre va nous permettre de connaître une multitude de personnages féminins intéressants (et pas uniquement grâce à leurs formes) !

Enfin… Nouveau ? Non. A priori, le genre serait né au lendemain de la seconde guerre mondiale. Avec la poussée du féminisme de l’époque, de nombreuses américaines s’étaient mises à écrire de la science-fiction dont les narrateurs étaient des mères et des femmes au foyer. La technologie, bien sûr, offrait alors bien des pistes possibles pour les futurs de ces personnages. Mais selon Yaszek* (référence en bas de page), il n’y avait pas vraiment encore de conscience politique dans ces écrits. Du coup, il n’a pas été catalogué comme féministe à cette époque.

Néanmoins, il ne s’agirait pas que de personnages féminins, mais aussi de livres qui soulèveraient la question de la place de la femme dans les sociétés et plus généralement, les constructions culturelles liées au genre. Tout ceci est donc bien d’actualité, et je compte m’y plonger aussi tôt que possible. Mais alors, je commence par où ?

Par un classique du genre serait probablement le plus judicieux !

Le plus célèbre semble être The Handmaid’s Tale (La servante écarlate en français), écrit par Margaret Atwood (étrangement, ce nom ne sonne pas inconnu à mes oreilles, mais où en ai-je entendu parler ? Impossible de me souvenir) en 1985. Il s’agit de l’histoire d’une jeune femme qui travaille comme domestique pour un couple assez aisé. L’homme est un gradé qui fera en sorte d’accéder aux charmes de l’héroïne, Offred. Le thème m’a l’air assez classique, on dirait une histoire du début du siècle dernier mais transposé dans un autre monde. C’est ajouté sur ma pile à lire !

Un autre ouvrage a particulièrement retenu mon attention. C’est peut-être celui-ci que je lirai en priorité, d’abord pour les notes excellentes qu’il a récolté sur Goodreads et l’ambiance post-apocalyptique dans laquelle l’histoire paraît se dérouler. Il s’agit de Parable of the Sower, d’Octavia E. Butler (1993). Du même auteur, j’ajoute à ma pile Wild Seed car bien que plus ancien, il a d’encore meilleures notes.

La couverture de Parable of the Sower est particulièrement attirante. Je n'ai malheureusement pas retrouvé le nom de l'illustrateur.

En dernier lieu, je retiens The Gate to Women’s Country de Sheri S. Tepper (1987), qui imagine un monde où, suite à une crise importante, la société se serait scindée en deux : d’un côté des hommes polygames, de l’autre des femmes sans pitié qui asservissent les hommes avec violence. Une bien sombre histoire, comme je les aime souvent !

L’ensemble de ces livres, l’ambiance et les personnages que j’entrevois me rappellent tout de même Moi qui n’ai pas connu les hommes, de Jacqueline Harpman (et c’est là que je me dis qu’en fait, j’ai lu de la SF féministe sans le savoir). Si c’est dans cette veine, je vais certainement prendre du bon temps, et ceci me fait penser que je vous ferai un article prochainement sur ce bouquin tout à fait hors du commun.

Je ne sais s’il existe réellement un espace littéraire français de science-fiction féministe (si c’est le cas, c’est qu’il est mal connu, et je suis tout à fait ouverte à des suggestions !) mais le genre est bien connu au Canada, aussi ne désespéré-je pas de trouver des écrits francophones en plus des lectures ci-dessus (car à part celui de Margaret Atwood, ils n'ont pas été traduits !)


Et vous, vous connaissiez la SF féministe ? Vous en avez lu ? Qu’en pensez-vous ?



*Lisa Yaszek a rédigé un ouvrage sur la littérature SF féministe. C'est en anglais mais en libre accès > ici <.

jeudi 2 janvier 2014

Real Humans : une deuxième saison frissonnante !

Avez-vous jamais rêvé de ce moment de l’humanité où l’on serait capable de créer des robots si semblables à l’être humain que l’on ne serait plus capable de les différencier ? Ce fantasme de la SF a été magistralement illustré par une série télévisée suédoise sobrement intitulée Real Humans (les « vrais humains » en français, titre original suédois : Äkta Människor).
Créée par Lars Lundström et réalisée par Harald Hamrell et Levan Akin, la première saison de cette série a été diffusée l’année dernière par Arte. Depuis le 1er décembre dernier, la seconde saison est diffusée sur la chaîne suédoise SVT1 et c’est que je suis particulièrement enchantée de me trouver en Suède ces jours-ci. Et d’être parmi les premières spectatrices françaises à découvrir le deuxième opus.



Mimi, en robe bleu-vert, est la nouvelle « Hubot » de la famille Engman, achetée pour s’occuper des tâches ménagères de la maison.


Après une première saison teintée d’une ambiance joviale et accrocheuse où l’on découvre tout ce que ces robots humanoïdes vont pouvoir apporter à l’espèce humaine, la deuxième saison laisse place à une ambiance beaucoup plus sombre…
Il fallait dire que la dernière saison finissait avec quelques coups de théâtre dramatiques et que la suite ne pouvait pas être trop fleurie. Changement radical d’atmosphère, donc, et terriblement réussie qui plus est ! Le scénario, les images, les décors… Tout est encore plus travaillé que dans la première saison, pourtant déjà époustouflante de réalisme.



Odi et Roger sont désormais collègues de travail à Hub Battle Land, un Paintball où les talentueuses cibles sont des Hubots.


Par ailleurs, alors que la première saison coulait un rythme tranquille, avec une brave odeur de vie bien ordonnée, cette seconde saison démarre sur les chapeaux de roue : les quatre premiers épisodes sont plein de surprises, de suspens savamment dosé et toujours, cette petite touche scandinave incomparable.
Le plus surprenant, à mon sens, c’est la capacité du scénariste à avoir pensé à tous les petits détails qu’un tel avenir nous réserverait si effectivement, nous avions des Hubots dans nos vies : des qualités de machine variables, des personnes qui se feraient passer pour un robot ou vice-versa, des gens qui tomberaient amoureux d’un Hubot, ou encore ce parti extrémiste qui souhaite les éradiquer de la surface de la terre. Au final, tous ces petits détails parviennent à secouer quelque chose dans votre tête : une réflexion plus profonde, plus sourde et plus angoissante, implicite dans cette série : que se passerait-il si effectivement, des robots nous remplaçaient au travail définitivement ? Que deviendrions-nous ? Serions-nous pour le progrès, ou bien serions-nous comme ceux qui ne parviennent pas à accepter ce changement ? Les réponses sont hautement complexes et Real Humans nous montre toutes les facettes positives et négatives, multiples et plausibles.



Et si le recruteur de Pôle Emploi affichait toujours ce sourire honteusement poli face à vos désespoirs et réclamations ?


Le tout est saupoudré, comme lors de la première saison, de quelques histoires parallèles sordides ou attendrissantes. Les vies des personnages (humains ou non-humains) s’entremêlent comme des faisceaux convergeraient lentement vers un point… Encore mystérieux.

Bref, il est temps pour vous de regarder Real Humans, et pour moi d’attendre avec frénésie que le cinquième épisode soit diffusé à la télé suédoise !



A vos écrans !







dimanche 13 octobre 2013

La SF à l'honneur aux deux coins de France : E-Topie & Utopiales

L’endroit où j’aimerais être en Novembre, c’est Nantes. Non pas seulement parce que c’est une jolie ville et que ce serait sympa d’y passer, mais parce que cette ville fête la science-fiction du 30 octobre au 4 novembre dans un festival… visiblement à gros budget.




Les Utopiales, que ça s’appelle, et même que ça s’oriente sur la littérature et les BDs, les sciences, le grand et le petit écran, les jeux vidéos et l’art. En gros tout ce que j’aime vous présenter sur ce blog, et je suis trop jalouse !

N’hésitez pas à me (nous !) faire quelques petits retours si vous avez la chance d’y mettre les pieds, car je suis pour ma part exactement de l’autre côté de la France et je ne pourrai y être.


Qu’à cela ne tienne, j’ai regardé ce qu’il se passait du côté de chez moi, dans les Bouches du Rhône. Pensant ne rien trouver, bien sûr. Hé bien, je me mettais le doigt dans l’œil !

A l’occasion de Marseille Provence 2013 (pour ceux qui n’auraient pas suivi, cette ville n’est pas seulement le repaire du grand banditisme, c’est aussi la Capitale de la Culture cette année !), une série de projets regroupés sous le nom de e-topie sont diffusés sur Marseille, Aix-en-Provence et ses alentours. Ce n’est pas à proprement parler de la SF, mais plutôt des projets artistiques innovants et futuristes.




L’un d’entre eux en particulier m’a vivement impressionnée hier soir : Ryoji Ikeda, un japonais (non, sans blague ?) et son équipe ont projeté sur les façades du Musée Vasarely un spectacle son et lumière, intitulé "the radar" ; ça a donné quelque chose de très dark mais terriblement inspirant. Cet art (projection lumière et son à grands volumes et sur de grandes surfaces d’architecture) se nomme le mapping.

Je vous avais pris une petite vidéo sur mon téléphone mais malheureusement, la qualité n’est pas au rendez-vous. Nous nous contenterons donc de cette photo où il y avait une projection de planètes en noir et blanc sur une bande son grandiose...




… et pour élément de comparaison, la Fondation Vasarely de jour. Le bâtiment est écrasant, alors le spectacle, n’en parlons pas !




Il y a tout un tas d’autres spectacles par les projets e-topie dans les environs et jusqu’au 10 novembre… C’est le moment de sortir pour voir des choses d’inspiration SF !


A Marseille et ses alentours : http://www.mp2013.fr/evenements/2013/10/e-topie/

samedi 7 septembre 2013

I'm Here, la poésie de Spike Jonze

Je ne connais pas très bien l'œuvre de Spike Jonze - en fait, je n'avais entendu parler de lui qu'à cause de Jackass, la bande de givrés qui font des cascades terribles et des blagues dégoûtantes, ou vice versa. Et souvent les deux en même temps. Bref, a priori donc, rien qui ne m'intéresse... 

Sauf que, en 2010, voilà que l'on m'envoie sur le site d'un court métrage SF qui fera définitivement chavirer mon opinion sur ce monsieur. Il réalise à cette époque 30 minutes de poésie émouvante intitulée I'm Here, que je me repasse de temps en temps encore. 




I'm here raconte l'histoire d'un robot parmi tant d'autres, dans une société où leurs droits ne sont pas reconnus - pourquoi le seraient-ils ? Ils sont l'invention de l'homme et ne sont pas sensés avoir d'émotion ou de réelle intelligence. 
Pourtant, dans le monde de Spike Jonze, les robots ont des sentiments, des désirs et des frustrations. Il est étonnant à quel point le réalisateur ressort cette vieille interrogation humaine (et si les robots que nous fabriquions devenaient intelligents au point d'avoir des sentiments et une volonté propre, que ferions-nous ?) d'une manière si touchante et surtout, sans tomber dans le cliché de la domination des machines... 




Au contraire, ici ce sont les hommes qui dominent des machines, les humilient parfois. L'on reconnaît dans cette image la tendance naturelle de l'humain à écraser celui qui est différent : les robots n'ont pas le droit de conduire, on les laisse mourir sur le bord de la route s'il leur arrive quelque chose... Bref, pleines de petites anecdotes qui ne manquent pas de nous rappeler de tristes mais véridiques histoires de racisme ou de sexisme. Spike Jonze a bien cerné la nature humaine... 

L'histoire ne s'arrête pas à ça, par ailleurs. C'est surtout le scénario autour du héros et d'une histoire d'amour qui va peu à peu se développer. Et le héros se comporte exactement comme si nous autres, adultes, découvrions soudain l'existence de l'amour - interdit jusqu'ici.




Je vous invite vivement à aller regarder ce petit bijou de poésie, cela ne vous prendra qu'une demi-heure. Par contre, le site Internet pour le voir bug un petit peu ( http://www.imheremovie.com ) mais vous pouvez le voir sur youtube au cas où cela ne fonctionne pas, juste ici... :




Dans le même genre et si vous avez du temps à tuer, je vous recommande vivement la série Äkta människor, une production suédoise sur le même thème qui a fait un tabac sur Arte sous le nom de "Real humans".